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mardi 28 mai 2013

Antique

J'ai enfoncé pour la première fois la touche "Entrée" vers l'âge de 12 ans. Je me rappelle bien de la commande :
>Print "A"
>A
J'avais suivi consciencieusement les consignes du manuel, très bien écrit d'ailleurs. Le curseur clignotait sagement, blanc sur fonds noir. Je regardais cette machine avec un mélange d'émerveillement, de curiosité et d'interrogation. Un peu plus tard, je créais des petits programmes. Je commençais à comprendre comment cela fonctionnait. Premiers pas de mes sens analytiques et algorithmiques. Pourtant nul en math, je devenais bon en programmation. Ce cher Turing, savant britannique de génie, père spirituel de tous les ordinateurs, m'aurait certainement encouragé. Mes parents m'avaient offert l'engin pour me récompenser. J'étais un élève studieux. Avaient-ils pressenti que j'allais aimer cet univers ? Le Big bang de la micro-informatique familiale débutait à peine. Ce cher Bill était dans la jeune trentaine mais déjà son DOS faisait fonctionner nos petits engins "8 bits". Un certain Steve travaillait à devenir son plus grand concurrent. Mais c'était une autre époque et ces deux là n'avaient pas leur place dominante d'aujourd'hui. Ils étaient beaucoup moins connus et cla ne faisait pas si longtemps qu'ils avaient quitté leur garage. Les maîtres de la micro-informatique balbutiante étaient différents. Les PC n'étaient cantonnés qu'à une faible part du marché. Parmi les nouveautés de l'époque, figuraient même des engins hybrides, moitié machine à écrire, moitié ordinateur, sorte de traitement de texte électronique à clavier. Il faut dire que le métier de secrétaire sous sa forme humaine existait encore. Les hommes et les femmes ont évolué depuis - dirait Darwin - et ont désormais des gadgets portatifs - dits intelligents - leur permettant d'être leur propre secrétaire. Homo Sapiens Secretarius est une espèce presque reléguée au rayon des dinosaures. Gadgeto Sapiens Électronicus a pris la relève. Quand je pense qu'au lycée (équivalent du CEGEP), nous avions des cours d'apprentissage dactylographiques sur de vrais (et antiques) machines à écrire mécaniques. Dans les années 80, l'informatique était surtout centralisée dans de gros systèmes. C'était un sujet de science fiction à elle toute seule. Elle "Tron"-nait dans nos imaginaires. Quelques pixels animés suffisaient d'ailleurs à nous faire rêver. On comptait les bits et les octets. On programmait à l'économie, on taponnait la ligne de commande, on maîtrisait les raccourcis claviers, les hauts parleurs nous sortaient des symphonies de bips qui nous laissaient pantois d'admiration. Elle ferait rire aux éclats un adolescent d'aujourd'hui, dont la sonnerie du cellulaire passerait pour un orchestre symphonique à côté. Internet grand public n'existait tout simplement pas. On se passait les données via support magnétique. Les fameuses disquettes. Au point que les souris n'étaient encore très majoritairement que les animaux préférés des chats et des belettes. L'informatique d'aujourd'hui n'a bien sûr plus grand chose à voir avec celle des années 80. Pourtant,mon premier ordinateur fonctionne toujours, presque 30 ans plus tard. Ce qui tend à prouver que l'obsolescence programmée est une invention assez récente dans l'industrie électronique. Je suis rêveur quand je vois l'évolution en 30 ans des technologies. Darwin, si t'avais vu cela !! Je ne résiste jamais au plaisir de remettre en route ma machine une fois aux deux ans. Je la sors de son carton, la branche. Le même curseur blanc clignotant apparaît aussitôt. ... "A". Ha te voilà toi, antique machine informatique.....