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mardi 20 novembre 2012

Un rêve alimentaire

Le 4235 Hochelaga est un commerce de quartier qui a pignon sur rue depuis le début des années 80. Le quartier d’alors est populaire, sa population fourmille d’individus de divers horizons sociaux, classes modestes et aisées se côtoient et donnent une âme à Hochelaga. Une autre épicerie IGA est située la porte d’à côté. Elle offre une compétition farouche, mais civilisée. Les tourniquets des deux commerces roulent sans grincements avec une affluence régulière. Nous sommes à l’époque des commerces ouverts de 9 à 18h du lundi au mercredi et de 9 à 21h les jeudis et vendredis et... fermés les dimanches.

En 2000, les épiceries à grande surface font leur apparition et en 2004, un Super C s’établit sur la rue Pie IX, un Loblaw un peu plus à l'Est. Quelques années plus tard, les tourniquets du IGA grincent et bientôt s'arrêtent de tourner. Le 4235 résiste tant bien que mal à la concurrence du géant attrayant par sa nouveauté, les prix coupés, les formats JUMBO et SUPER. Les tourniquets sont enlevés, deux des quatre caisses enregistreuses, retranchées. La boucherie qui fournissait les résidents du quartier, les restaurants et les banquets se vide de ses ressources pour se tourner vers la boucherie industrielle mieux payée et moins contraignante.

Doucement et en une décennie, l’enseigne Métro est enlevée et remplacée par celle du Marché Ami, filière de Métro qui dessert les commerces de plus petite taille à des prix parfois prohibitifs sans être synonyme de qualité. Le quartier vit des périodes difficiles : gangs de rue, motards, pauvreté. Le commerce perd 10 % de son chiffre d’affaires et les employés qualifiés quittent pour les grandes surfaces. Néanmoins, le commerce réussit à garder la tête hors de l’eau et se maintient grâce à la vaillance des ressources qui y sont attachées.

Aujourd’hui, je passe en face de ce commerce et je vois son enseigne de mon balcon. Je rêve et je ne suis pas la seule, Attachée à cette façade encombrée de multiples annonces, j’aimerais la voir renaître. Entendre le vacarme des caisses enregistreuses, le rire des clients et leurs blagues répétées cent fois aux caissières qui connaissent par cœur leurs petites habitudes. L’un veut sa facture dans le sac, l’autre un Peter Jackson, cette dame au dos courbé qui sort de chez elle pour se dégourdir les jambes et gratter son Mot Croisé. Ces visages, ces ambiances sont ceux de mon enfance, de mon adolescence. Maintenant, je vis dans ce quartier et je croise ses vieillards à qui je remettait autrefois des Bingos, ses parents qui venaient autrefois chercher la peinte de lait et leurs enfants qui ont l'âge de la mienne. J’aimerais les voir animer ce commerce, dire LEUR épicerie. Nous sommes dans un désert alimentaire et méritons mieux. Hochelaga aime manger et voudrait manger mieux.

Je rêve d’une vitrine attrayante, d’étagères encombrées de produits de qualité à prix accessible. Des fruits, des légumes, du poisson, des fromages, du bon pain Arhoma, du bon café de torréfacteurs locaux (Saint-Henri, Café Rico, Saint-Denis). Et pourquoi pas…un espace et le temps pour le savourer. Je rêve d’y mettre une petite machine à Espresso, deux tables, quelques chaises et des journaux. Chez Hochelag M manger, on prendra aussi le temps de savourer la diversité du quartier.

Et si je rêve un peu plus haut, c’est pour y construire des logements et un toit vert. Celui qui accueillera un jardin. Souveraineté alimentaire et grenier d’espoir seront au rendez-vous. Le bâtiment serait certifié LEED, accueillerait entreprises ou locataires avec un jardin sur son toit. Le projet de jardin permettrait l’insertion de jeunes en difficulté qui à défaut de s'occuper à étudier aiment bien se balader sur les toits, nous avons pu le constater.

Un projet économique et social pour réanimer cette artère commerciale. Pour faire battre à petits coups de grands projets les artères de ce quartier et animer avec force le cœur d’Hochelaga.


Commentaires

1. Le dimanche 2 décembre 2012, 12:04 par Jacinthe

Un texte rempli d'émotions, qui nous fait revivre les bonnes années de notre jeunesse, une certaine nostalgie qui nous amène à avancer vers d'autres idées nouvelles, du temps d'aujourd'hui. Bravo.